S’adapter et fonctionner en temps de crise avec Olivier de MicroDON
Lors de l’unique émission d’informations que je suis quotidiennement j’ai entendu un maire parler de la réouverture de l’école de sa commune. Il avait en vain essayé de contacter l’inspection primaire, l’inspection académique sans pouvoir les joindre, la préfecture ne donnait pas d’autres directives que celles du gouvernement : faire selon vos possibilités et vos moyens avec l’obligation de respecter les consignes de sécurités sanitaires.
Cet homme semblait dans le même temps révolté et éperdu. J’imagine que son désarroi, sincère ou simulé, cherchait à prouver l’incompétence des princes qui nous gouvernent mais il est allé jusqu’à dire “vous imaginez, on nous demande de prendre des initiatives”… Je suis resté abasourdi : cet homme qui avait brigué un poste de responsabilité afin d’administrer une ville arrivait en fin de mandat, il avait donc eu cinq ans pour mettre en place et former une équipe opérationnelle soudée par une même raison d’être et il était bouleversé à la perspective d’avoir à prendre des initiatives…
Dans le même temps j’ai eu la chance d’interviewer Olivier CUEILLE , CEO & Co-founder de MicroDON, une B-Corp qui soutient les associations par la mise en place de micro-dons grâce aux nouvelles technologies. La façon de réagir et d’agir de deux personnalités différentes face à un même événement m’a paru intéressante à mettre en parallèle.
Cette Interview d’Olivier entrepreneur social, tonique, optimiste et convaincant, a été réalisé dans le cadre du Podcast Dynamique Collective by Fly The Nest, le mardi 7 avril quelques semaines après l’annonce du confinement. Le contenu de notre échange m’a paru si intéressant et si riches d’enseignements que j’ai souhaité mettre en lumière par cet article les idées fortes d’Olivier. En multipliant les médias mon intention est de diffuser auprès du plus grand nombre les récits et témoignages de ceux qui m’inspirent.
Comment Olivier et son équipe ont-ils réagi à l’annonce du confinement et les piliers sur lesquels ils ont pu compter ?
Avant l’annonce officielle du gouvernement Olivier avait déjà pris conscience que la situation allait devenir fort préoccupante, par l’intermédiaire de ses clients et partenaires qui lui faisaient déjà part de leurs difficultés.
C’est dès le vendredi 13 mars qu’a eu lieu la première réunion de crise de La Courroie de MicroDON (tryptique de dirigeants complémentaires dont le rôle est d’appréhender les risques et d’interpréter des signaux). Plusieurs chapitres ont été traités :
- comment assurer la sécurité des collaborateurs ? Quelles mesures d’hygiène devaient être prises ?
- comment se mettre en conformité avec les directives gouvernementales et les relayer ?
- comment trouver des pistes d’actions concrètes à mener ?
La Courroie, ce triptyque de dirigeants très équilibrée, très complémentaire dans sa capacité à appréhender un risque et à analyser une opportunité et sans conteste l’un des piliers de MicroDON dans cette crise. Par exemple Olivier, d’un optimiste naturel, aurait tendance à ignorer ou minorer certains signaux d’anxiété d’ou la nécessité de contrebalancer cela par une vigilance accrue à ces signaux de la part de Pierre-Emmanuel Grange ou de Mathieu Jubré les deux autres membres de la Courroie. C’est cette complémentarité qui, il me semble, leur permet d’appréhender la réalité d’un événement au plus juste afin de prendre des décisions en conscience.
Le second pilier sur quel MicroDON a pu compter sans faute c’est son Business Model Corona Compatible. Tous les versements clients ayant été effectués en janvier-février MicroDON attaque cette crise avec un certain confort financier.
“Notre culture elle irradie dans tout ce qu’on fait, vit et décide au quotidien, et depuis longtemps. C’est à dire que notre modèle économique s’il est capable de traverser la crise c’est parce qu’il existe depuis 11 ans et parce qu’il a été nourri de ce qu’on est, de notre culture. Dès le premier jour en 2009 nous avons décidé de ne pas créer de modèle économique sur la partie des dons. 1€ versé en caisse c’est 1€ donné à une association”
Covid-19 : Olivier et son équipe se “jettent dans la mêlée”
“On est depuis 11 ans porté et mu, animé chaque semaine, chaque jour par cette idée que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Alors quand toutes les solutions qu’on met en oeuvre et les outils qu’on fabrique ensemble deviennent des évidences, cela nous installe de manière plus concrète dans la mêlée, dans l’action, et c’est ça qui est excitant pour nous !”
Dès le dimanche 15 mars a eu lieu la prise de contact avec l’APHP -Assistance Publique des Hôpitaux de Paris -qui a créé un fond d’urgence afin d’aider les soignants et de financer les recherches contre le covid-19. MicroDON qui entrevoyait des synergies évidentes à mettre en place, a souhaité proposer son réseau afin de répondre aux besoins du terrain. En tant que leader de l’arrondi en caisse et de l’arrondi sur salaire MicroDON avait la légitimité et l’expertise pour jouer un rôle significatif dans cette campagne de financement. C’est ainsi que naquit très vite la possibilité d’arrondir en caisse ses achats à l’Euro supérieur afin d’alimenter le fond d’urgence Covid-19 de l’APHP. En quelques semaines c’est 505 730€ qui ont été collectés via l’ARRONDI solidaire en caisse. Les enseignes partenaires (Monoprix, Franprix, Naturalia…) ayant déjà mis en place l’ARRONDI il a été possible d’orienter les dons vers des associations spécialisées Covid-19 en moins de 3 jours.
Mais Olivier et son équipe ne sont pas arrêtés là, ils sont allés jusqu’à réussir à mobiliser deux concurrents au service du bien commun…En effet MicroDON a initié la grande opération de collecte “Les Paniers Solidaires” très vite rejoint par Ulule et Kiss Kiss Bank Bank, deux plateformes de crowdfunding qui, bien que concurrentes, ont accepté de marcher ensemble sous la même bannière. Ceci en grande partie grâce à l’enthousiasme communicatif et à la passion débordante de Pierre-Emmanuel Grange entrepreneur et fondateur de MicroDON.
Pour un panier de 30€ ce sont 1 personnes aidées pendant 3 à 4 jours sans avoir à se déplacer. Les dons collectés ont été équitablement répartis entre deux acteurs majeurs mobilisés dans la lutte contre le Covid-19, l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et la Croix-Rouge Française. Ces deux acteurs ont assuré l’identification des bénéficiaires. Le fonds de dotation Le Réflexe Solidaire, fonds dit “de redistribution”, a assuré le contrôle, la centralisation et la parfaite allocation des dons. Très vite cette dynamique de solidarité a été rejointe par Frichti et Phenix. Si vous souhaitez avoir un aperçu chiffré de l’impact de cet élan de solidarité cliquez ici et allez en bas de l’article.
“C’était très chouette de voir Pierre-Emmanuel embarquer l’équipe et les parties prenantes. Après seulement quelques jours nous avions déjà des résultats hypers concrets, des centaines puis des milliers de dons sur les plateformes de crowdfunding pour fabriquer et livrer des paniers repas aux soignants , c’était extraordinaire de voir ça se mettre en oeuvre. “
Le secret de la formidable dynamique collective de MicroDON.
Afin de maintenir la cohésion en cette période de confinement et de préserver l’équilibre de tous, de nouveaux rituels ont été mis en place tandis que d’autres ont dû êtres adaptés.
- La semaine du lundi 16 a débuté par un tour de parole afin de libérer les énergies et de laisser s’exprimer un certains nombres d’angoisses mais aussi des élans d’optimisme le tout avec une touche de solennité et d’anxiété car le contexte s’y prêtait.
- Le rituel mensuel “Working at MicroDON” a été maintenu. Chaque collaborateur exprime anonymement sa météo et son degré d’énergie de 1 à 5. Pour la première fois la météo générale était descendue en dessous de la moyenne.
- La numérisation de pratiques existantes comme le Yoga par écran interposé et la création de nouvelles instances comme le goûter virtuel , ou les cafés aléatoires ont permis de recréer ce lien informel
Je crois que ce qui leur a permis d’être aussi réactifs et efficients, c’est la qualité de leur équipe et la puissance de leur culture d’entreprise. Cette dynamique collective a énormément gagné en puissance il y a cinq ans lorsque tous se sont alignés derrière une seule et même raison d’être “faciliter l’engagement solidaire” et se sont rassemblés autour des mêmes valeurs. Face aux événements, l’équipe est restée soudée, solide et solidaire chacun sachant ce qu’il avait à faire.
Pour Olivier cela a été “un immense plaisir” de voir son équipe se mettre en mouvement. Dans son rôle de fondateur, rien n’a vraiment changé puisque son groupe ne s’est pas mis en position basse, dans un attentisme latent. Il n’y a pas eu de demande particulière de la part du collectif, chacun connaissait son rôle, chacun était devenu suffisamment autonome pour s’adapter sans qu’il soit besoin d’un regain d’autoritarisme.
Le mot de la fin :
Si Olivier et son équipe se sont “jetés dans la mêlée” c’est parce que leur enjeu était “d’être là au bon endroit au bon moment, d’exister, de vivre, de survivre et d’aider”. MicroDON était légitime et crédible pour mettre en oeuvre un grand nombre d’initiatives, ils étaient en capacité d’innover et de créer. Dans des cas comme celui qui nous préoccupe, la culture d’entreprise est déterminante quand il s’agit de “mettre une équipe en condition de trouver la ressource, l’énergie et l’enthousiasme pour s’adapter”
Je suis sorti de cet échange, stimulant et tonique, confiant dans la capacité d’un collectif à s’adapter à une crise sans précédent, à rester aligné afin d’exécuter une vision commune quelques soient les obstacles et cela en restant fidèle à sa raison d’être et à ses valeurs.
Pour découvrir notre échange avec Olivier :