La culture d'entreprise donne la liberté d'être soi-même

En 2015, Mohed Altrad est le premier français à être désigné entrepreneur mondial de l’année par EY. Son secret ? C’est de travailler sa culture d’entreprise, qu'il considère comme un avantage compétitif. Ce n’est pas le premier à le dire et pourtant cela reste encore bien trop négligé. Comme si la culture d’entreprise restait cet artefact insaisissable, qu’on subirait sans parvenir à en faire quoi que ce soit.

Faites une recherche sur Google… Vous y trouverez une littérature abondante, qui voit la culture d’entreprise comme un outil du dirigeant, un outil de communication et de management à mettre en place. Or, la culture existe d’elle-même. Elle est déjà là. Simplement, ne pas la travailler, c’est la laisser libre de fleurir là où on ne l’attend pas. Avec des conséquences imprévisibles…

La construction de la culture d’entreprise est l’affaire de tous. Elle vit de détails, et de petites touches personnelles. Elle s’organise organiquement. Mais alors, comment impliquer les individus dans la construction collective de cette culture ? Qu’est ce qui pourrait bien les motiver ? On parle souvent des bénéfices de la culture pour l’entreprise et ses dirigeants ; on évoque rarement ce qu’elle peut apporter à chaque collaborateur.

Alors qu’on attend de plus en plus de ses employés, il est important de leur donner des repères. La culture doit avant tout permettre de comprendre le fonctionnement de l’entreprise, y compris ses règles comportementales tacites. Comme dans le Handbook de Valve, intitulé A fearless adventure in knowing what to do when no one’s there telling you what to do, qui aide les nouveaux arrivants à se situer dans un environnement de travail très singulier.

Les deux repères fondamentaux d’une bonne culture sont les racines et le cap : Savoir d’où on vient et où on va facilite le positionnement de chacun dans la marche de l’entreprise. En faisant œuvre d’historien, certaines sociétés trouvent dans leur passé les mythes fondateurs de leur culture actuelle.

Associée à cette connaissance du passé, la culture doit porter la raison d’être qui justifie de l’existence de l’entreprise. Ainsi, chacun pourra arbitrer ses priorités au mieux, afin d’orienter son énergie vers l’atteinte d’une vision collective.

La culture d’entreprise éclaire les choix individuels dans l’incertitude. Grâce à elle, un collectif peut faire tourner un bateau à l’instinct, chacun prenant la bonne décision, sans en référer à une chaine hiérarchique indisponible. En définitive, la culture se doit d’être un guide naturel pour l’action… Comme lorsque cette femme de ménage du groupe marocain OCP décide de répondre au téléphone au milieu de la nuit, trouvant au bout du fil un client important, bloqué à l’aéroport. Elle a alors d’elle-même quitté son poste, pour aller le chercher. Parce qu’elle savait que l’hospitalité était primordiale dans sa société.

Si la culture d’entreprise permet à chaque individu de mieux s’approprier l’identité de l’entreprise, elle est aussi un guide pour la communication individuelle. Quand la culture est claire, chacun sait raconter l’histoire de sa société. À l’heure de la multiplication des médias connectés, il est illusoire d’espérer contrôler la totalité de son image. Plus que jamais, celle-ci dépend du traitement de vos employés… Chacun d’entre eux en est un ambassadeur potentiel. D’ailleurs en cas de crise, le premier public à informer n’est pas, comme on pourrait le croire, les médias… Ce sont bien les salariés qui doivent être les premiers informés de l’évolution de la situation, car si l’entreprise est menacée, elle a besoin de s’appuyer sur un collectif solide et solidaire !

Pour Zappos, la culture, c’est la marque. Ce sont deux faces d’une même pièce. Par la force des choses (et d’Internet), ce qui se passe à l’intérieur de l’entreprise transparait. Alors, chez Zappos, on se fie au bon sens de chacun pour communiquer, en s’appuyant sur une culture fortement diffusée. Tout le monde parle aux journalistes, s’exprimant comme il le désire. Au vu de leur notoriété, cela leur réussit !

Derrière les entreprises les plus performantes au monde, il y a toujours une culture forte, assumée et diffusée. Aux US, on citera les classiques Google, Facebook ou Apple ; en France, Michelin, BIC, Danone, L’Oréal… Par leur succès, ces entreprises vous offrent des carrières passionnantes, faites de réinventions continuelles. Lors des phases de croissance de l’entreprise, chacun peut se saisir d’opportunités d’orientation de son parcours, pour suivre ses envies.

Quand une startup passe de 8 à 40 par exemple, il est illusoire de penser qu’elle maitrise sa croissance. Seul le renforcement de la culture d’entreprise permet de vivre sa croissance sans la subir, sans perdre l’esprit originel des fondateurs, leur singularité et leurs convictions. L’absence de culture structurée et cohérente mène à l’uniformité des comportements, au nivellement par le bas : impossible alors de se construire une réelle différenciation !

Tout changement important prend une dimension différente lorsqu’il est adressé sous le prisme de la culture. Croissance, mais aussi plan social, réorientation stratégique… Quand Tony Hsieh raconte le déménagement de son entreprise, ou son rachat par Amazon, il montre bien que le changement ne se force pas ; il se réalise par l’adhérence de chacun au projet de Zappos et à ses valeurs. On pense souvent que l’homme est réfractaire au changement. Cela n’est vrai que lorsqu’il le subit… Si l’individu en est acteur, alors il sera le meilleur porteur de cette transformation individuelle et collective.

Avoir des repères pour agir et des possibilités d’évolution motive déjà beaucoup d’entre nous. Mais, au-delà de cela, ce qui fait qu'on a réellement envie de se lever le matin pour aller rejoindre nos collègues, c’est avant tout la culture en elle-même.

Une des première causes de mal-être au travail, c’est la prééminence des conflits, et l’incapacité à les résoudre sans l’usage de la hiérarchie autoritaire. Cela génère de la frustration, de la rancœur, voire de la haine… Or, les conflits sont nécessaires, pour un renouvellement des rapports de force et des idées. Sans eux, point de dynamisme ou d’innovation. Pour les supporter, il est alors indispensable de partager des valeurs, et de se rappeler, à la fin de la journée, que ceux qui ne sont pas d’accord avec nous restent des alliés, à la poursuite d’un même but.

Cette communauté de valeurs est renforcée par les rites de l’entreprise. Le barbecue du vendredi, la journée Taco, ou le séminaire annuel, tous fixent la culture d’entreprise dans le réel. Véritables récompenses collectives, les rites font partie de la motivation de chacun à s’engager quotidiennement, au service d’un collectif.

Ce en quoi je crois, c’est que l’homme a besoin de l’accomplissement collectif pour être heureux. Il lui faut appartenir à un mouvement qui le dépasse, sans en être dépendant, et sans y perdre son identité. Or, ce qui nous permet d'être nous-même est la confiance que l'on a dans la capacité du groupe à nous accepter. Et la culture favorise cette confiance. Elle est le terrain d’où émerge la valorisation de votre singularité !

Chacun est acteur de la culture de son entreprise. Chacun est responsable d’exprimer sa différence, pour construire collectivement un espace où il fait bon travailler. La culture d’entreprise n’est pas un idéal abstrait, c’est une réalité incarnée, portée par chaque collaborateur. Elle n’est pas figée et inscrite dans le marbre, c’est une identité collective, vivante, qui se nourrit de la diversité des membres de sa communauté, de leurs parcours et de leurs aspirations, mais également des épreuves et réussites affrontées par le groupe.

Cela n’est pas simple, ni pour les dirigeants ni pour leurs collaborateurs, mais à long terme, la culture reste le facteur de différenciation le plus puissant à votre disposition... Alors, à vous de jouer !