The Last Dance : l’entreprise à mission expliquée par Michael Jordan
En ces temps troublés, privé de sports, j’ai regardé avec intérêt et enthousiasme la série documentaire de Netflix, The Last Dance, consacrée à l’équipe des Chicago Bulls et à sa superstar Michael Jordan. Cet article aborde le concept de l’entreprise à mission en s’appuyant sur une illustration issue du documentaire. L’objectif est de mettre en lumière et d’expliquer les changements de définitions d’une entreprise proposée par la loi Pacte.
Dans l’épisode 5 du documentaire, nous en apprenons plus sur le lancement de la Air Jordan de Nike et sur la façon dont le phénomène Jordan a réussi à influencer, pas uniquement le basketball, mais la culture au sens large.
Quel lien avec l’entreprise à mission ? J’y viens ! Un peu plus tard dans cet épisode, on apprend que Michael Jordan a refusé de prendre position en faveur du candidat démocrate Harvey Gantt qui était opposé au candidat républicain Jesse Helms dont les convictions étaient notoirement racistes. Pour l’expliquer, il a prononcé cette phrase :
« Republicans buy sneakers too »
MICHAEL JORDAN
Je crois que cette phrase est un point de bascule. Jordan aurait pu, et il s’en défend, sortir de sa posture « je suis un joueur de basketball » en passant à une posture « je suis un leader qui défend une cause » comme d’autres sportifs ont pu le faire dans l’histoire. Il a choisi le compromis pour ne pas décevoir une part de ses “followers”.
Je ne me suis jamais considéré comme un activiste. Je me considérais comme un basketteur. Je me concentrais sur mon métier. Etait-ce égoïste ? Probablement. Mais c’est là que mon énergie était”
MICHAEL JORDAN
Personnellement, en écoutant Jordan et en réfléchissant à ses propos a posteriori, j’ai eu le sentiment qu’il mettait le doigt sur un sujet intéressant. Ce sujet est la prise de conscience de notre responsabilité personnelle et collective dans nos actions, au travail ou dans notre vie de citoyen. Nous ne pouvons plus ignorer que nous sommes des maillons dans des chaînes de production et de consommation. Ce que nous faisons – et ce que nous ne faisons pas – a des conséquences.
Les attentes autour de leaders comme Jordan sont forcément de plus en plus fortes. Les leaders n’ont plus le choix, leur responsabilité est de prendre position. Cette prise de position est valable pour les personnes, chacun d’entre nous, mais aussi pour les entreprises, pour chaque entreprise.
C’est le sens de la loi Pacte qui fait entrer dans le droit français le concept d’entreprise à mission. Cette loi change même la définition d’une entreprise.
Avant la loi pacte, une entreprise était définie comme une “société constituée dans l’intérêt commun des associés (…) en vue d’en partager le bénéfice”. Depuis la loi Pacte, trois “niveaux” de définition d’une entreprise sont proposés. La nouvelle définition d’une organisation (niveau 1) consacre la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans la loi : “La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité” (Article L 1833 du Code Civil). Le niveau 2 consacre la notion de Raison d’être, qui peut être inscrite dans les statuts de l’organisation.
Enfin le niveau 3 aborde la notion de société à mission pour la résolution d’un problème ou défi identifié. L’enjeu de ce niveau 3 n’est pas uniquement d’inscrire une mission dans les statuts mais de prendre des engagements pour la réalisation de ces enjeux ou défis et d’en assurer le suivi avec une vérification par un OTI (Organisme Tiers Indépendant). En synthèse voici les 3 niveaux représentés :
Chez Fly The Nest, nous pensons que l’entreprise à mission est un véritable changement de paradigme dans la conception d’une organisation. Nous expliquons ce renversement de paradigme de la façon suivante :
- L’entreprise est-elle une organisation économique qui SERT des clients pour S’ENRICHIR (définition “classique” d’une entreprise avant la loi Pacte)
- L’entreprise est-elle une organisation qui S’ENRICHIT (propre d’une entreprise avec un modèle économique) pour SERVIR (définition d’une Entreprise à Mission qui sert des parties prenantes en vue de la réalisation d’une ou plusieurs missions).
Nous illustrons le concept par le schéma ci-dessous :
Schéma explicatif de l’entreprise à mission
Revenons à nos baskets pour illustrer notre propos :
Ainsi et s’il avait fait le choix de l’entreprise à mission, Jordan aurait pu dire « I play basketball and sell sneakers to defend civil rights ».
L’idée maintenant est donc de vous poser la question pour vous et pour l’organisation dans laquelle vous travaillez :
- Dans quelle logique personnelle êtes-vous : servir pour vous enrichir ou vous enrichir pour servir ?
- Quelle est la position de votre organisation : vendeur de baskets ou vendre des baskets pour contribuer à la réalisation d’un défi, d’un enjeu de société ?
Mon propos n’est évidemment pas manichéen, l’enjeu n’est pas d’arrêter, du jour au lendemain, de « vendre des chaussures aux républicains » mais de se questionner individuellement et collectivement sur les conséquences de nos achats, de notre travail, et de nos actions au sens large dans les différentes sphères de notre vie (nos familles, organisation, entreprise, association, …). L’entreprise à mission est un chemin qui consiste à transformer l’organisation pas à pas pour mettre son modèle économique au service d’une mission et de bénéficiaires. C’est ce que nous appelons la transition contributive d’une organisation. Ce sont ces transitions que nous souhaitons accompagner.
Ma conviction est que les entreprises étant dans une logique purement économique entrent dans leur « dernière danse », notamment depuis la Loi Pacte. Demain, la pression des travailleurs et des consommateurs sera trop forte pour se priver d’une logique contributive, de formaliser une raison d’être, de servir des parties-prenantes, de servir une ou des missions.
Malgré tout le respect que j’ai pour la vie de Michael Jordan, je crois qu’il est aussi temps de constater que les baskets, qu’elles soient portées par des républicains ou des démocrates, n’ont pas changé le monde ou contribuer à façonner le fameux monde d’après. Il est donc temps de penser le basket, le sport, la consommation, le travail, les organisations… autrement.
Poussé par cette prise de conscience collective, Michael Jordan lui même, est-il en train de prendre partie pour ses convictions ? Voici son message suite à la mort de George Floyd :
Je conclus avec cette citation :
“Rien n’est plus fort qu’une idée dont l’heure est venue.”
VICTOR HUGO
J’espère avoir ouvert un espace de réflexion, et peut être d’action ! Pour creuser certains sujets, vous pouvez nous contacter et lire les concepts que nous utilisons pour créer de l’engagement au sein des organisations que nous accompagnons.
Voici notamment le replay d’un webinar sur le thème de l’entreprise à mission :
Voici notamment le replay d’un webinar sur le thème de l’entreprise à mission :